La Libre - Que restera-t-il de la note "coquelicot" PS-Écolo? "On attend la déclaration de politique gouvernementale de pied ferme"

Anonyme • 6 août 2019
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 MONIQUE BAUS Publié le mardi 06 août 2019 à 06h23 - Mis à jour le mardi 06 août 2019 à 06h24

Son nouveau mandat à la tête de la Fef à peine entamé, Chems Mabrouk piaffe de découvrir la déclaration de politique communautaire. Bourses, minerval, tests : que restera-t-il de la note “coquelicot” PS-Écolo à laquelle elle a participé ?

Elle a le sourire, Chems Mabrouk ! Doublement étudiante à l’ULB (bachelier en droit et master en communication politique), la jeune femme de 23 ans rempile comme présidente de la Fef (la Fédération des étudiants francophones). L’œil vif et impertinent derrière ses petites lunettes, ses dossiers et un tas d’affaires dans le grand sac où elle trifouille volontiers pour préciser l’un ou l’autre détail, elle transpire le dynamisme et la motivation, comme à chacune de nos rencontres. Genre : "On est là, vous n’avez qu’à bien vous tenir !" Sans aucune agressivité, en version sympathique. Mais qu’on ne s’y fie pas : la demoiselle sait aussi froncer les sourcils.

Chems Mabrouk a achevé le mandat de son prédécesseur démissionnaire d’avril à fin juillet. Elle a été réélue pour un deuxième mandat et vient donc d’entamer sa nouvelle législature. "Législature" : voilà bien un substantif qui la fait démarrer au quart de tour. "On attend la déclaration de politique gouvernementale de pied ferme. Nous sommes prêts à affronter les nouveaux défis", annonce-t-elle dès à présent à l’adresse de ceux qui hériteront de l’Enseignement supérieur au gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (ou Communauté française).

Pour La Libre, elle revient sur les premiers échanges autour des lignes directrices "coquelicot" inspirées par Écolo et le PS. Les enjeux sont lourds. Et la présidente ne cache pas un brin de stress : "Certaines de nos remarques ont été prises en compte. Mais que va-t-il en rester, en fonction de qui seront les partenaires de la prochaine coalition ?"

Au début de l’été, lorsqu’on parlait d’une alliance "coquelicot", PS et Écolo ont envoyé une note reprenant leurs priorités, notamment en matière d’enseignement supérieur. En quoi la Fef s’y est-elle impliquée ?

Nous avons participé à une vaste consultation entre représentants politiques et de la société civile. Au niveau de la société civile qui représentait l’enseignement supérieur, il y avait des représentants de l’Ares (l’Académie de recherche et d’enseignement supérieur), du FNRS, et nous. Concrètement, nous avons analysé la note "coquelicot" puis formulé plusieurs remarques qui ont abouti à la rédaction d’une seconde note.

Pouvez-vous nous commenter les projets envisagés ? Êtes-vous satisfaite ?

Je dirais que nous avons été entendus. Ce serait bien, maintenant, qu’on nous écoute. Il y a quelques bonnes choses. Mais, dans d’autres domaines, on ne va toujours pas assez loin. La note demande un renforcement des bourses. C’est évidemment très positif. Par contre, la réduction du minerval que nous et les étudiants réclamons depuis longtemps n’y figure toujours pas, même si nous avons présenté une pétition de plus de 15 000 signatures dans ce sens. C’est dommage.

Pire : dans la deuxième version de la note, après les consultations, apparaît l’augmentation du minerval pour les étudiants non ressortissants de l’Union européenne. C’est une vieille idée que nous avons déjà réussi à faire reculer par le passé… Suite à la demande d’un recteur, cette mesure est de retour. Pour nous, il ne peut en être question. Quelle vision souhaitons-nous pour notre enseignement supérieur ? Accessible à tous avec des personnes de tous les pays qui viennent étudier chez nous, ou pas ? En Angleterre, le minerval des étrangers a été augmenté il y a bien longtemps. À la suite de quoi, les frais d’études ont explosé. Est-ce cela que nous voulons, nous aussi ? Et nous retrouver avec un minerval de 5 000 à 10 000 euros par an d’ici quelques années (NdlR : chez nous, à quelques exceptions près, le minerval est bloqué à 835 euros par an, mais le coût d’une année d’études peut grimper jusqu’à 8 000 à 12 000 euros) ? L’accès au supérieur s’est massifié, oui, mais il n’est toujours pas démocratisé…

La Fef dénonce la précarisation des étudiants depuis longtemps… Sans beaucoup de succès. Comprenez-vous que l’argent doit bien venir de quelque part ?

Il faut que le fédéral refinance toutes ses entités. C’est ça, la solution. On le sait, il y a un trou dans les caisses. Mais la Communauté française offre de nombreux services aux citoyens. Beaucoup. Et donc oui, l’enseignement supérieur doit être refinancé.

J’en ai assez qu’on me dise que je suis trop idéaliste, voire irréaliste. J’ai même entendu : "Un jour, tu apprendras à être pragmatique." C’est comme si on me disait que je dois grandir un peu… Je ne suis pas d’accord ! Ce que je trouve irréaliste, moi, c’est de devoir suivre des cours dans des auditoires où il pleut et que tout le monde n’ait pas les mêmes chances de réussir. D’autres pays y arrivent. Pourquoi pas nous ?

Que va-t-il se passer maintenant ?

C’est toute la question. Alors qu’il faut dépasser le coquelicot et ouvrir les négociations à d’autres partenaires (le MR, NdlR), qu’est-ce que la note sur laquelle nous avons travaillé va devenir ? Sera-t-elle carrément jetée à la poubelle ? Le politique est-il prêt ou pas à investir dans ses jeunes : c’est la seule question à retenir. Et s’il vous plaît, quand on parle d’enseignement, qu’on arrête de parler de dépense et de coût. C’est un investissement. Un vrai investissement pour la société.

 

La menace d’un test d’orientation général

 

Pas formulée en tant que telle dans les différentes versions de la note "coquelicot", l’idée d’un test d’orientation généralisé a refait surface et inquiète les étudiants, tout comme celle de l’évolution des loyers des kots.

Au cours des échanges de vues auxquels vous avez participé avec le PS et Écolo, la question d’imposer un test d’orientation pour tous a été remise sur la table. Qu’en pensez-vous ?

Nous nous y sommes immédiatement opposés. Mais nous étions les seuls… Finalement, l’idée n’apparaît pas dans la note corrigée. C’est un soulagement. Mais comme elle revient régulièrement, cela signifie qu’elle commence à rentrer un peu dans les mentalités.

Et quel est le problème ?

Un tel test constitue inévitablement un filtre social.

Mais pourquoi, s’il n’est là que pour orienter et n’a pas de valeur contraignante ?

Nous pensons qu’un test d’orientation empêchera des étudiants de choisir certaines filières. Ce qui est mesuré, ce sont des connaissances. Il y aura inévitablement un mécanisme d’autocensure. Par ailleurs, on sait que les étudiants issus de certaines filières et écoles secondaires, et d’un milieu socio-économique plus favorisé, ont plus de chances de réussir que les autres. Les inégalités seront donc encore renforcées par un tel test.

N’est-il pas logique d’aider chacun à bien choisir un cursus dans lequel il a le plus de chances de réussir ?

Sérieusement, quelles chances de réussir ? ! Si encore on passait un test pour détecter des lacunes afin de pouvoir mettre en place une aide efficace à la réussite… Mais de ça, il n’en est même pas question. Il n’y a pas de remédiation, pas assez d’assistants, les auditoires sont bondés, le coût des études reste tellement élevé que beaucoup d’étudiants doivent travailler en étudiant… C’est ça, vous pensez, leur donner toutes leurs chances ?

La question ne dépasse-t-elle pas le cadre du supérieur ? Finalement, c’est de la qualité du parcours scolaire dans son ensemble dont on parle, non ?

Évidemment, oui ! Quand vous débarquez dans l’enseignement supérieur, vous êtes censés faire un tas de choses : prendre des notes, organiser votre travail, faire un planning… Or, rien n’est inné. Ni, souvent, acquis par les jeunes qui arrivent en première année.

Que proposez-vous, alors ?

Nous prônons la mise en place d’organismes publics d’aide à l’orientation, indépendants et faciles d’accès.

Vous parlez du coût des études : où en êtes-vous sur une éventuelle réglementation des loyers dans les kots, réclamée par la Fef depuis des années ?

Nous avons une position commune avec nos confrères de la fédération flamande VVS que nous devons rencontrer cette semaine. Mais le dossier est compliqué vu les multiples niveaux de compétences. Les loyers en tant que tels dépendent plutôt des Régions.

Monique Baus