La Libre Belgique : L'interdiction de refuser des étudiants vacille dans l'enseignement supérieur

Anonyme • 1 octobre 2020
Article dans le groupe [ARES] Personnel

Une simple erreur administrative déjà corrigée ou un problème de plus grande ampleur ? Lors de la dernière séance plénière du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, la ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny (MR), est interrogée par la députée Marie-Martine Schyns (CDH) sur le refus d’inscription auquel, selon la Fédération des étudiants francophones (Fef), un nombre inhabituel d’étudiants auraient été confrontés cet été. “Les commissaires et délégués du gouvernement m’ont avertie de difficultés rencontrées dans des établissements où certaines filières sont engorgées , répond la ministre. C’est la raison pour laquelle j’ai envoyé un courrier pour leur rappeler qu’il est illégal de refuser l’inscription d’étudiants et qu’il y a une obligation à permettre à chaque étudiant d’entamer le cursus de son choix.” Ce rappel est d’autant plus nécessaire qu’une partie de ce qu’on appellera le malentendu, jusqu’à preuve du contraire, part de son cabinet.

Rétroactes. Le 13 juillet, un mail à l’en-tête du cabinet Glatigny stipule ceci au directeur de la haute école Louvain en Hainaut (Helha) : “Je marque mon accord pour l’octroi d’une dérogation limitant à 150 le nombre de candidats à l’inscription pour le bachelier en agronomie, orientation technologue animalier. Je vous prie d’agréer… La ministre, Valérie Glatigny.”

La ministre l’a dit : certaines filières sont engorgées et les directions ne savent plus comment s’en sortir pour accueillir tous les étudiants qui se présentent dans de bonnes conditions. Forcément, elles cherchent des solutions. La réponse du cabinet, qui semble avoir circulé entre elles, est plus surprenante. Car elle est hors-la-loi. Son porte-parole rassure d’ailleurs aujourd’hui : “Cette erreur administrative a été corrigée.”

Un courrier “nul et non avenu”

Dans un mail envoyé le 21 septembre aux présidentes des collèges des commissaires et délégués (celles et ceux chargés de vérifier, dans les institutions, le respect des règles), la ministre explique en effet qu’il n’entre pas dans ses intentions d’accorder de telles dérogations. “Je vous remercie de considérer le courrier envoyé en juillet à la Helha comme nul

et non avenu.” Incident clos ? Pour les étudiants qui ont pu être acceptés là où ils souhaitaient s’inscrire, oui. Pour ceux qui ont dû changer d’option à cause d’un refus illégal, moins. “Les étudiants n’ont pas été impactés” , déclare cependant le cabinet Glatigny.

Mais, derrière, une question qui fâche encore plus

Mais derrière cet incident se cache une question qui fâche encore plus. Sans un refinancement digne de ce nom, comment les universités, les hautes écoles et les écoles supérieures des arts vont-elles pouvoir continuer à accueillir toujours plus d’étudiants avec moins de moyens ? Ce qui interdit aujourd’hui les institutions de refuser des inscriptions, c’est l’article 96 du décret Paysage. Texte qui, justement, est en cours de réforme. On s’est beaucoup braqué sur la question de la réussite et du nombre de crédits à valider pour la décrocher. On a très peu parlé du volet concernant la limitation des inscriptions, peut-être encore plus explosif que l’autre…

Vers une sélection à l’entrée ?

Non seulement la limitation du nombre d’inscrits va à l’encontre de la politique menée depuis toujours en Fédération Wallonie-Bruxelles, mais comment sélectionner les heureux élus quand il n’y a pas de place pour tout le monde ? “Il conviendra de veiller à mieux informer et à mieux orienter les étudiants afin de résoudre le problème d’engorgement de certaines filières très spécifiques” , a juste évoqué la ministre au Parlement, lors de sa réponse à Marie-Martine Schyns.

Le mail malencontreusement envoyé en juillet par son cabinet laisserait-il supposer que cette réflexion est plus avancée ? Quand on le compare au message visant à l’annuler en septembre, on voit qu’il n’est pas passé par tous les filtres habituels. Bien sûr que la ministre signe tellement de documents qu’elle se repose en partie sur son équipe pour les valider. Ici, tous les verrous n’ont pas été actionnés. Mais que révèle cette prise de position ? L’idée suit-elle son chemin d’accentuer la sélection des étudiants à l’entrée du supérieur ? À suivre dans les discussions sur la réforme du décret Paysage .

En Fédération Wallonie-Bruxelles, les étudiants sont de plus en plus nombreux dans des filières parfois engorgées, au détriment de bonnes conditions d’apprentissage.

Monique Baus ■