Belga - Un super-antibiotique découvert à Liège

Anonyme • 10 mai 2019
Actualité dans le groupe [ARES] Personnel

MIS EN LIGNE LE 8/05/2019 À 17:02     PAR FRÉDÉRIC SOUMOIS
Un médicament contre des maladies du cœur s’avère être aussi un antibiotique puissant. Y compris contre les super-bactéries qui inquiètent la planète.

C’est une (bonne) surprise comme il en arrive parfois en recherche médicale : un médicament développé pour une cible s’avère être également efficace pour lutter contre tout autre chose. C’est ainsi que ce mercredi une équipe de l’ULiège publie des recherches originales prouvant qu’un médicament régulièrement prescrit dans le cadre de maladies coronaires est aussi un antibiotique puissant, y compris contre des souches résistantes.

Les chercheurs démontrent que le médicament antiplaquettaire ticagrelor (commercialisé sous le nom de « brilique » en Belgique) possède une activité bactéricide contre les bactéries Gram-positives. Les bactéries Gram-positives ont une structure unimembranée. La couche de peptidoglycane des bactéries à Gram positif est très épaisse contrairement à celle des bactéries à Gram négatif. L’espace périplasmique, beaucoup plus étroit que chez les Gram négatif, est un espace de stockage d’enzymes, de nutriments, de protéines, d’ions… Il a beaucoup d’autres fonctions notamment dans certaines étapes de la synthèse de protéine et dans le métabolisme.

Efficace contre les souches les plus dangereuses

Les chercheurs et médecins de l’ULiège, du GIGA et du CHU de Liège mettent en outre en évidence que ce médicament conserve une activité identique contre les souches résistantes aux antibiotiques. En effet, le ticagrelor tue les bactéries Staphyloccocus aureus et Staphylococcus epidermidis résistantes à la méthicilline et les Enteroccus faecalis résistantes à la vancomycine. Sa rapidité d’action est supérieure à celle des antibiotiques couramment utilisés en clinique et la fréquence d’apparition de résistance est extrêmement faible. 

Cette découverte est de taille puisque le ticagrelor fait partie des médicaments le plus souvent administrés au monde pour la prévention des maladies cardiovasculaires, telles que l’infarctus du myocarde et les atteintes vasculaires cérébrales. C’est pourquoi cette découverte est vue par les spécialistes comme une avancée majeure dans la lutte contre les infections par des bactéries résistantes aux antibiotiques et publiée aujourd’hui dans la revue de référence en cardiologie « JAMA Cardiology »

L’une des plus grandes menaces au niveau mondial

Les chercheurs, le Professeur Patrizio Lancellotti, le docteur Cécile Oury et leurs équipes apportent peut-être également une explication au constat que dans la grande étude clinique randomisée PLATO, les patients traités par ticagrelor présentaient une mortalité diminuée lorsque l’infection était la cause du décès et ce, en comparaison aux patients traités par un autre médicament antiplaquettaire, le clopidogrel.

Il faut savoir que les staphylocoques et les entérocoques résistants comptent parmi les pathogènes qui représentent l’une des plus grandes menaces pour la santé humaine au niveau mondial. Il est en effet de plus en plus difficile de les traiter en raison d’un manque d’efficacité des antibiotiques actuellement disponibles. Ces bactéries sont les premières responsables de l’infection des prothèses et des implants médicaux, de la septicémie et de l’endocardite. L’infection par les bactéries résistantes est associée à un très mauvais pronostic pour le patient vulnérable, ce qui résulte en une mortalité accrue, des séjours plus longs à l’hôpital et une augmentation des coûts de soins de santé.

De nouvelles stratégies thérapeutiques

L’équipe du Professeur Patrizio Lancellotti et du Dr Cécile Oury poursuit actuellement cette ligne de recherche importante à l’Université de Liège en collaboration avec le Professeur Bernard Pirotte et Éric Goffin (Centre Interdisciplinaire de Recherche sur le Médicament, CIRM) et le Professeur Bernard Joris (Centre d’Ingénierie des protéines, CIP). Leur objectif principal consiste à dévoiler de nouvelles stratégies thérapeutiques, basées sur le mode d’action du ticagrelor, dans la lutte contre les infections aux bactéries Gram-positives et l’antiobiorésistance.