La Libre - A cause de 44 centièmes de point en raisonnement ma fille ne pourra pas suivre les études de médecine dont elle a toujours rêvé (TEMOIGNAGE)

Anonyme • 21 septembre 2018
Actualité dans le groupe [ARES] Personnel

CONTRIBUTION EXTERNE Publié le - Mis à jour le 

 

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OPINIONS

Le témoignage d'un père dont la fille n'a pas été admise en médecine suite à l'examen d'entrée.

 

Ma fille n’est pas admise en médecine. Candidate malheureuse à l’examen d’entrée, elle n’est pas autorisée à poursuivre les études dont elle a si longtemps rêvé.

 

Sortant sans difficultés de l’option Math-Science d’un Athénée de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Ayant sacrifié de nombreux samedis à suivre des cours complémentaires en chimie et physique organisés par une université. Ayant prolongé sa session d’examen de juin en sortie de Rhétorique par une semaine complémentaire de préparation à l’université. Malgré une note globale suffisante, elle a obtenu une note inférieure au seuil de 8/20 en physique et en biologie à l’examen du 5 juillet. Il faut dire que la difficulté est telle que la moyenne générale de tous les candidats ne vole pas haut: 6,2/20 de moyenne en Physique !

Elle n’a pas baissé les bras. Après trois semaines de courtes vacances, elle a sacrifié son mois d’août pour étudier 10 heures par jour. Elle a étudié seule pour combler ses lacunes en sciences - et celles de l’enseignement secondaire - pour pouvoir représenter en une seule journée de septembre un examen bien chargé de mathématique, de physique, de biologie, de chimie auquel il faut ajouter des questionnaires complexes de raisonnement, de communication, d’éthique et d’empathie. Inutile de préciser qu’elle est passée par toutes les émotions durant cette phase d’étude soutenue. De la pleine confiance à la panique intense, de la joie à l’idée d’atteindre son rêve au stress dévastateur d’échouer. Tous ses sacrifices et tous ses efforts n’auront pas été récompensés. Au final, malgré une note globale largement suffisante pour réussir, très satisfaisante en sciences dont un 12/20 en physique quand la moyenne générale est de nouveau de 6/20 et un très respectable 15/20 au total des questionnaires de la seconde partie d’examen, elle n’est pas admise ! Il lui manque 44 centièmes de point en "raisonnement" pour atteindre le 8/20 à cause de la cotation négative.

Absurde

Ces matières de raisonnement, de communication, d’éthique et d’empathie ne reposent sur aucun programme scolaire et les cours préparatoires dispensés par les universités de la Communauté Française ne peuvent aucunement préparer les étudiants hormis en prodiguant quelques conseils très généraux. Il est impossible pour un candidat étudiant de s’y préparer en étant sûr de pouvoir réussir… "En tant que médecin, pouvez-vous avorter une mineure sans le consentement de ses parents ? Pouvez-vous euthanasier une personne de 95 ans atteinte d’Alzheimer à la demande de sa famille ? Devez-vous transfuser quelqu’un pour le sauver s’il y est opposé par convection religieuse ? Pouvez-vous réaliser un test clinique de thérapie génique en cours de développement ? Que dites-vous à la mère d’enfants difficiles qui perturbent le calme de la salle d’attente chez le médecin ?… Choisissez parmi les 4 propositions…

Simple ! +1 point en cas de bonne réponse, 0 en cas d’abstention et -1/3 en cas d’erreur. Le système de cotation négative invite les élèves à ne pas répondre en cas de doute mais à calculer une stratégie. Il se peut avec ce système qu'un étudiant soit admis avec moins de points au total et donc moins de bonnes réponses ...mais moins de risque d’erreur! Avec ce système, on peut être admis à poursuivre des études de médecine avec une note globale de 10/20 et un minimum de 8/20 aux 8 branches de l’examen mais échouer avec une note globale de 16/20 et un 7,56 en raisonnement ! Absurde!

Les 8 d'un coup ou rien 

Tant d’investissement personnel et familial, sans parler du coût des cours préparatoires, des coûts et des temps de déplacements jusqu’à ces mêmes cours, de l’achat de livres, de la réservation d’un hôtel à Bruxelles la veille de l’examen pour éviter les imprévus sur la route le matin du jour J. Après tant de courage et de sacrifice, de concentration et d'efforts de la part de ma fille, elle est éliminée sans circonspection pour avoir répondu à une question de trop dans une matière équivoque ! Une réponse incorrecte qui la ramène sous la barre des 8/20. Avec une abstention, le jury l’aurait jugé admissible. Où est la logique ? Aucun report de note n’est prévu d’un examen à l’autre ! Elle avait suffisamment de raisonnement pour étudier la médecine en juillet mais plus assez en septembre ! C’est tout ou rien! Les 8 d’un coup ou rien!

La pilule est dure à avaler. Ma fille le vit comme un échec personnel. Elle est déboussolée, ne sait plus trop quoi faire. Faire une année d’étude pour du beurre et retenter Médecine dans un an avec le risque d’échouer à nouveau malgré une préparation irréprochable? En tant que parents, nous le vivons comme une profonde injustice. Seuls face à une administration (ARES) complètement opaque et inatteignable, un monde politique qui se renvoie la balle. Dans l’impossibilité de tout recours… il ne va pas être facile de s’en relever.

Tout ce processus de sélection à l’entrée se fait dans un contexte de pénurie et de pénibilité de la profession de médecin. D’un côté, on limite l’accès aux études à des jeunes francophones et de l’autre, on importe des médecins par centaines pour combler les besoins dans les hôpitaux. En 2015, 41% des numéros INAMI francophones ont été délivrés, hors quota, à des médecins diplômés à l’étranger et en 36% en 2016…C’est d’une logique consternante?

Il faut mettre fin à ce système

J’invite le monde politique et universitaire à réagir. A prendre des dispositions immédiates pour mettre fin à ce système qui contribue à précariser le système des soins de santé et qui dans le même temps, broie sans ménagement la jeunesse pleine de courage et de promesse qui s’aventure à présenter cet examen d’entrée éprouvant, injuste et incohérent face aux enjeux de société.

J’invite le monde politique à rendre au plus vite la légitimité et la dignité à ces candidats étudiants qui le méritent car ils ont satisfait à toutes les parties de l’examen au bout de deux sessions d’examens extrêmement difficiles… Il n’est pas trop tard pour bien faire. L’année académique ne fait que commencer.

Celui qui se rend complice de l’insuffisance programmée de médecins prend inévitablement part à la dégradation croissante du système des soins de santé.

La France commence à ressentir les effets pervers de leur examen d’entrée. La Belgique ou du moins, la Fédération Walonnie-Bruxelles doit aussi réagir avant qu’il ne soit trop tard !

Le tweet d’Emmanuel Marcon du 18 septembre 2018 résume assez bien la situation et mon sentiment personnel : "Au même moment où nos concitoyens souffrent de difficulté d'accès aux soins, 25 000 étudiants passent du statut d'excellents lycéens à celui qui échoue à entrer en première année de médecine. C'est incohérent. Le numerus clausus sera supprimé. Nous formerons plus de médecins".

 

REAGISSONS !!

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