La Libre - La Libre - Des chercheurs belges réalisent une percée technologique très prometteuse

Anonyme • 4 mars 2019
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LAURENT LAMBRECHT Publié le - Mis à jour le 

Une équipe de la KU Leuven est à la base d’une percée technologique prometteuse. Ils ont conçu un panneau qui produit de l’hydrogène et de l’oxygène, directement à partir de l’air et du soleil.

Après dix ans d’efforts, une équipe de chercheurs de la KU Leuven, dirigée par le professeur Johan Martens, a réalisé une percée technologique très prometteuse. Son équipe a conçu un panneau photovoltaïque qui, en plus de l’électricité, produit de l’oxygène et de l’hydrogène à des rendements très intéressants. "Depuis la publication de la nouvelle, je reçois des sollicitations de toutes parts, s’amuse Johan Martens. Industrie, universités, partenaires potentiels…"

Le procédé, qu’il pense être inédit au niveau mondial, consiste à capter l’eau contenue dans l’air via les panneaux. Ensuite, par un procédé chimique, cette eau est transformée en oxygène et en hydrogène. "Avec un panneau d’un mètre carré, nous arrivons à produire 250 litres d’hydrogène par jour, en moyenne, en Belgique, nous explique Johan Martens. À ce niveau de production, c’est déjà quasiment rentableEn Espagne, on pourrait monter à 350 litres par jour."

Dans un laps de temps assez court (2 à 3 ans), le professeur espère que sa technologie arrivera sur le marché. L’idée est d’apporter une solution au problème de l’intermittence et du stockage des énergies renouvelables. Ainsi, l’hydrogène produit et stocké durant les périodes ensoleillées serait utilisé en hiver, lorsque les panneaux photovoltaïques ne produisent plus d’électricité.

Quelle peut être l’utilisation finale de cet hydrogène dans les habitations ? "Via la technologie déjà bien connue de la pile à combustible ou électrolyse inversée, l’hydrogène peut être converti en électricité et en chaleur, explique Johan Martens. En outre, il est possible de moduler la production d’électricité et de chaleur en fonction des besoins des habitations."

Selon le professeur Martens, ce nouveau type de panneaux pourrait être utilisé à l’échelle d’un quartier, d’un immeuble, ou d’une collectivité. "Il serait trop cher, voire trop dangereux, d’installer une pile à combustible et un réservoir d’hydrogène dans chaque maison", explique-t-il. Comme le gaz naturel, l’hydrogène doit être stocké de façon sûre. D’où l’idée de prévoir un réservoir et une pile à combustible communs à l’ensemble d’une collectivité. Le tout bien protégé pour éviter les accidents.

Différent de la méthode classique

Aujourd’hui, la méthode classique pour produire de l’hydrogène "vert" utilise de l’eau pure, de l’électricité renouvelable et un électrolyseur. Cette méthode classique consomme l’électricité excédentaire produite par l’éolien ou le photovoltaïque. Par exemple, à Zeebruges, le groupe Engie participe à un projet de conversion en hydrogène de l’électricité excédentaire issue des parcs éoliens en mer du Nord.

Du soleil à l’hydrogène

La grande nouveauté apportée par le professeur Martens est que l’hydrogène est produit directement à partir du soleil et sans source d’eau liquide. "L’électrolyse classique nécessite de l’eau très pure combinée à de l’électricité pour produire l’hydrogène, précise Johan Martens. Notre système, lui, pourrait être utilisé dans le désert puisque l’eau provient de l’air ambiant et qu’il n’y a pas besoin d’être raccordé à un réseau d’électricité."

Si cette solution est, en théorie, utilisable partout, le professeur Martens l’a pensée pour la Belgique. Et il imagine déjà d’autres débouchés que la production d’électricité et de chaleur à partir d’hydrogène. En effet, ses panneaux produisent également de l’oxygène.

"Nous ne sommes pas obligés de rejeter l’oxygène dans l’air, précise le professeur. Il pourrait être utilisé dans l’aquaculture ou dans les hôpitaux pour les masques à oxygène."

A priori, la technologie mise en œuvre est assez simple. "Ce sont des matériaux standards. Par exemple, il n’y a pas de platine, précise Johan Martens. J’ai l’habitude d’apporter des solutions exotiques à des problèmes très pratiques. Ici, j’ai amené mes connaissances de la chimie au procédé physique de l’effet photoélectrique [ NdlR : les panneaux photovoltaïques classiques]. "

À terme, cette nouvelle solution pourrait contribuer à la diminution des émissions de CO2 liées au chauffage des habitations, l’un des gros points faibles de la Wallonie. Il s’agit bien sûr d’une solution entièrement décarbonée.

Un essai avec vingt panneaux va bientôt démarrer dans une rue de Heverlee. Si tout se passe bien, une spin-off de la KU Leuven sera chargée de trouver des partenaires en vue d’une production et d’une commercialisation à grande échelle. En attendant, le professeur ne veut pas en dire plus sur son procédé chimique. "Nous avons déposé un brevet, mais nous restons tout de même très discrets", explique-t-il.

 

Engie est intéressé

Transition. Produire de l’hydrogène directement à partir du soleil, voilà une technologie qui intéresse le groupe français Engie, qui a développé plusieurs projets dans le monde autour de ce vecteur énergétique. Le groupe français s’intéressait déjà à ces développements avant l’annonce de la KU Leuven. En effet, Engie est en contact avec une société américaine impliquée dans une technologie qui produit également de l’hydrogène directement à partir du soleil. "Cette découverte de la KU Leuven est très prometteuse, commente Michaël De Koster, l’un des spécialistes de l’hydrogène chez Engie. Mais il faudra voir quel sera le coût du système une fois sorti du laboratoire." Selon lui, il se pourrait que la technologie classique de l’électrolyseur reste économiquement plus rentable pour produire de l’hydrogène. "On en est au tout début, tout est possible, précise-t-il. Mais il est trop tôt pour dire que la technologie de la KU Leuven va révolutionner la transition énergétique."

Laurent Lambrecht