La Libre - "Le pacte d'excellence a besoin de la tradition libérale du MR"

Anonyme • 14 novembre 2018
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BOSCO D'OTREPPE Publié le - Mis à jour le 

Étienne Michel, le patron de l’enseignement catholique, lance un appel au MR. Il souhaite que celui-ci s’investisse en faveur du Pacte d’excellence. Il pointe aussi les dossiers importants qui attendent la ministre.

Le coup est finement joué. Alors que le MR a été projeté au centre du jeu politique francophone - le PS et le CDH ayant besoin de lui pour voter un décret essentiel au Pacte d’excellence et relatif au futur du réseau officiel (voir ci-contre) ; alors que ces mêmes libéraux se font prier, refusant pour l’instant d’avaliser le texte et de faire avancer du même coup le Pacte, Étienne Michel, le directeur de l’enseignement catholique, place les libéraux devant leurs responsabilités.

S’il s’exprime dans les colonnes de La Libre, c’est pour dire au MR qu’il a certes de justes raisons de refuser le décret relatif au réseau officiel, mais qu’il doit néanmoins rester ouvert au Pacte auquel il est indispensable.

Le Pacte, explique-t-il, est sous-tendu "par des références social-démocrates et chrétiennes démocrates". Mais pas seulement. Il repose aussi sur un "certain nombre de valeurs issues de la tradition libérale". Il serait donc idiot, aux yeux du réseau catholique, que les libéraux jettent le Pacte avec l’eau du bain comme certains le souhaitent au sein du parti.

Plus encore : si le MR a de quoi se retrouver dans le Pacte, celui-ci, pour qu’il soit réellement "excellent", a besoin de l’apport de la tradition libérale.

Sur la gouvernance, MR et Pacte peuvent s’entendre

La future gouvernance du système scolaire prévue par le Pacte, argumente Étienne Michel, "conjugue les principes d’autonomie et de responsabilisation des acteurs et des établissements pour atteindre des objectifs d’intérêt général. Elle prévoit également un monitoring régulier des résultats des établissements, ce qui est une condition indispensable pour que l’évolution vers un tronc commun s’assortisse d’une meilleure maîtrise effective des compétences de base par le plus grand nombre d’élèves". Le MR, poursuit-il, est porteur d’une telle vision de la gouvernance.

 

De plus, "le Pacte repose sur une conception de l’éducation fondée sur la bienveillance mais aussi sur l’exigence. Le tronc commun ne portera pas les fruits escomptés si l’on ne dit pas clairement que chacun, élève, enseignant ou directeur, devra donner le meilleur de lui-même pour une amélioration générale du système d’enseignement. Or, je n’ai pas peur de dire que pour moi, la famille libérale est la famille politique qui porte le plus explicitement dans son discours la nécessité de combiner ces deux principes de bienveillance et d’exigence".

Langue maternelle et mathématiques

"Enfin, il est important que le Pacte n’abolisse pas par idéologie toute hiérarchie dans les savoirs scolaires. Certains savoirs sont plus centraux que d’autres. Tout ne se vaut pas. La maîtrise de la lecture et du rapport à l’écrit, une bonne connaissance du français, une maîtrise progressive et suffisante du calcul et des mathématiques constituent le cœur des savoirs proprement scolaires à partir desquels d’autres compétences peuvent progressivement se développer. C’est une thématique que le président du MR Olivier Chastel évoque souvent. Sur ce point-là, les libéraux disent des choses qui méritent d’être entendues."

Bref, "si le MR peut se retrouver dans la réforme, sa tradition libérale sera également très précieuse pour permettre au Pacte d’atteindre ses propres objectifs. On a donc besoin de l’engagement des libéraux".

La ministre peut aboutir à certains compromis

Si Étienne Michel veut rappeler au MR qu’il a, aux côtés du PS et du CDH, toute sa place dans le Pacte, il ne souhaite pas pour autant tourner le dos à ce qui a été écrit. Il enjoint néanmoins la ministre de l’Éducation Marie-Martine Schyns (CDH) de tout faire pour nouer un compromis avec les libéraux.

À ce propos, glisse Étienne Michel, ce compromis pourrait être trouvé si la ministre écoutait le MR sur la question du réseau officiel. Si les libéraux refusent le décret relatif à ce dossier, c’est en raison des budgets qui seront alloués à ce réseau. "Et ils ont raison. Les chiffres cités dans la presse pour couvrir les besoins d’encadrement (560 équivalents temps plein NdlR) paraissent effectivement très élevés." Idem sur la question de la simplification du décret "Titres et fonctions" qui réglemente de manière stricte l’engagement d’un enseignant. Le MR comme Étienne Michel souhaitent que la ministre revoie ce décret.

En définitive, le patron de l’enseignement catholique met malicieusement tout le monde face à ses responsabilités : le MR comme Marie-Martine Schyns à qui "il revient de proposer une position d’équilibre sur ces questions pour tenter de nouer l’ultime compromis". Un compromis qui offrirait un avenir au Pacte, et répondrait à certaines attentions du réseau libre.
 

 

Le bilan de la ministre dépend encore de plusieurs dossiers

La réforme du Pacte d’excellence va-t-elle survivre à cette législature ? La ministre Schyns répondra-t-elle à la hauteur des enjeux ? Pour l’heure, le Pacte prend forme dans une série de décrets dont certains doivent encore être votés d’ici les élections de mai. Pour la ministre, beaucoup est encore à jouer, explique Étienne Michel. Plusieurs dossiers, relatifs ou non au Pacte, doivent encore être conclus. "De leur bonne fin dépendra le jugement qui sera porté sur la législature : une législature de refondation ou une législature de transition."

Au rang des avancées, le directeur de l’enseignement catholique évoque plusieurs dossiers.

Les décrets relatifs à la gouvernance sont votés

Le premier est le dossier relatif à la future gouvernance du système scolaire. Les écoles seront désormais amenées à rédiger des contrats d’objectifs dans lesquels elles listeront une série de points d’amélioration. Ces contrats seront conclus avec l’autorité publique. Il s’agit là d’un changement majeur du pilotage des écoles, et le décret qui l’institue est voté. De même, le décret relatif aux délégués aux contrats d’objectifs (DCO) qui remplaceront les inspecteurs actuels est entériné également.

L’avenir du réseau officiel doit impérativement être défini

Seul bémol : la mise en place effective de ces décrets dépend de la scission préalable des pouvoirs régulateur et organisateur de l’enseignement. Pour l’heure, la ministre dirige l’ensemble des réseaux, alors qu’elle organise celui de la Communauté française. Pour ne plus qu’elle soit juge et partie (et cela d’autant plus que les écoles devront établir des contrats avec le pouvoir régulateur), un nouveau statut de ce réseau officiel doit être voté. Un tel vote nécessite la majorité des deux tiers et donc l’appui du MR. Ce dernier a cependant quitté les négociations : il n’accepte pas la mouture actuelle du texte qui ferait de ce nouveau réseau un "mastodonte" administratif. De ce dossier, considéré comme sine qua non par l’ensemble des signataires du Pacte (réseaux, syndicats, associations de parents), dépend donc l’avenir de la réforme.

Des réponses doivent être données à la pénurie des profs

Plusieurs décrets sont en de "bonnes voies", se réjouit Étienne Michel. Celui clarifiant la charge de travail des enseignants ; celui assurant le futur statut des directeurs qui seront davantage formés et choisis en fonction de leurs aptitudes ; celui enfin permettant un accompagnement et un soutien plus appropriés des écoles qui présentent des difficultés. Ces décrets, qui touchent au Pacte, devraient être votés prochainement.

Au-delà du Pacte, Étienne Michel se réjouit de l’avancée du décret "Programme" qui permettra de financer des conseillers en prévention qui aideront les écoles à définir des mesures de sécurité, d’engager davantage d’éducateurs, et de faciliter la création de nouvelles écoles. Outre ces "bonnes nouvelles", il pointe cependant la nécessité pour la ministre de faire face à la pénurie d’enseignants, notamment en assouplissant le décret "Titres et fonctions" qui encadre le recrutement des profs.

C’est donc si ces dossiers sont menés à bien que la ministre pourra se targuer d’un bilan positif, conclut-il.

Bosco D'Otreppe