Le Soir - Marcourt et Demotte: «Nos étudiants en médecine sont prisonniers d’un jeu politique macabre»

Anonyme • 29 novembre 2018
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PAR ERIC BURGRAFF

Après la dernière sortie de Maggie de Block visant à instaurer un filtre à la fin des études de médecine, les ministres Marcourt et Demotte dénoncent « un jeu politique macabre visant les francophones »

 

Un nouveau filtre à la fin des études de médecine ? La semaine dernière Le Soir révélait le projet de Maggie De Block d’instaurer un nouveau filtre, fédéral celui-là, à la fin des études de médecine (nos éditions du 21 novembre). Alors que le dernier examen d’entrée francophone a validé deux fois plus de candidats qu’il n’y aura de place à la sortie, la ministre avait montré le gros doigt : « Afin de s’assurer que les quotas pour les médecins pour 2025 et les années suivantes et ceux pour les dentistes pour 2024 et les années suivantes seront respectés, je soumettrai cette année au gouvernement un arrêté royal prévoyant l’introduction du système appelé “attestations de contingentement” , annonçait-elle. «  L’objectif est, à partir de l’entrée en vigueur de cet arrêté royal, d’autoriser l’accès au stage et à la profession uniquement aux candidats médecins et dentistes, à condition qu’ils soient en possession d’une telle attestation ». En bref, le nombre d’attestation serait calqué sur le nombre de numéros Inami fixé à l’entrée des études. Pas une de plus. « Laisser des gens entamer des études de médecine tout en sachant que près de la moitié d’entre eux est de trop, ce n’est pas correct », avait ajouté la ministre.

Des mesures anti francophones ?

« Irresponsable et inacceptable », avait tonné la députée Catherine Fonck. « Tous les étudiants hors quotas seront bloqués. Ceci alors qu’elle laisse la porte ouverte aux jeunes formés à l’étranger. Qu’est-ce que c’est que cette manière d’aborder la politique ? Maggie De Block fait juste de la musculation pour faire mal aux francophones. C’est de l’esbroufe pour séduire l’électorat flamand. ».

Jean-Claude Marcourt, le ministre de l’Enseignement supérieur, a appris par l’existence de ce tour de vis supplémentaire… par la presse. Il a pris le temps de peaufiner sa réponse. Elle prend la forme d’une longue missive – 8 pages – adressée, non à Maggie de Block, mais au Premier ministre Charles Michel. Extraits.

La lettre de Jean-Claude Marcourt au Premier

Un préambule d’abord. D’une part, un peu contrairement aux idées reçues, « la Fédération Wallonie-Bruxelles a toujours fait preuve de responsabilité dans ce dossier ». D’autre part, « la nouvelle position unilatérale de votre ministre de la Santé (…) a un caractère essentiellement communautaire et par ailleurs extrêmement dommageable en matière de santé publique ».

Une longue explication juridique ensuite. Jean-Claude Marcourt et Rudy Demotte détaillent par le menu les mesures prises la Fédération Wallonie-Bruxelles pour se conformer au souci fédéral de maîtriser l’offre de médecins : filtre à la fin de la troisième année en 1996, filtre à la fin des études en 2003, premier concours de fin de première en 2005… S’ensuit un vide de quelques années – pendant lequel la FWB a produit des milliers de médecins « excédentaires » aux yeux du fédéral – puis avec l’arrivée des nouveaux gouvernements en 2014, un grand deal : un numéro Inami fédéral pour tous les étudiants en cours de formation en échange d’un filtre crédible en Communauté française. Les francophones optent alors pour un concours de fin de première… recalé par la justice en raison d’une faute du Fédéral : il n’avait pas édicté dans les temps l’arrêté royal fixant les quotas pour 2021. La saga a pris fin en 2017 avec l’instauration du premier examen d’entrée de ce côté de la frontière linguistique. Elle reprend cependant de plus belle aujourd’hui au vu des résultats de l’examen d’entrée 2018: 1.042 lauréats en médecine pour seulement 505 numéros…

Des commentaires politiques enfin. « Outre le caractère plus que cavalier de pareille sortie médiatique, sans information préalable du Gouvernement de la Communauté française, pareille position porte atteinte au principe de loyauté fédérale garantie par la Constitution, dès lors que la problématique aurait dû être évoquée en concertation avec ce Gouvernement », écrivent à Charles Michel, Jean-Claude Marcourt et Rudy Demotte.

Le cas des étudiants étrangers

« Il y a lieu de s’interroger sur l’utilité de restreindre encore davantage le nombre de médecins belges sans soumettre les praticiens étrangers aux mêmes règles ». Par ailleurs, ajoutent-ils, « comment justifier cette politique alors que la Wallonie et Bruxelles connaissent un manque de médecins généralistes qui ne va faire que croître dans les années à venir. 144 communes ont d’ores et déjà été déclarées en pénurie. De même, Bruxelles connaît un besoin urgent de près de 500 nouveaux médecins (…), les spécialisations d’urgentiste et de pédiatre, gériatres et psychiatres ne sont d’ailleurs pas en reste ». Ils poursuivent en pointant le nombre d’étudiants français (10 %) qui retournent exercer dans leur pays et la distribution sans réserve de numéros Inami aux étudiants étrangers principalement européens : « comment expliquer cette politique discriminatoire à l’égard des francophones ? ».

Ils concluent avec des mots forts : « Monsieur le Premier Ministre, nous avons la conviction que ces limitations, sans cesse plus extrêmes, imposées par la ministre de la Santé, sont d’une part délétères pour la qualité des soins offerts à nos concitoyens et, d’autre part, inadmissibles pour nos étudiants prisonniers d’un jeu politique macabre qui ne les touche que parce qu’ils sont résident en Wallonie et Bruxelles. Si la Flandre connaissait pareille pénurie, la Ministre de la santé vous soumettrait-elle de pareilles décisions ? »