RTBF - Valérie Glatigny promet une vraie réforme du Décret Paysage pour septembre 2021

Anonyme • 19 novembre 2019
Actualité dans le groupe [ARES] Personnel

Premier gros chantier pour la nouvelle ministre de l’enseignement supérieur, Valérie Glatigny. Elle s’attaque à une réforme du Décret Paysage. Entré en vigueur en 2014 il a fait disparaître la notion d’année réussie dans les universités et les hautes écoles. A la place, il offre aux étudiants la possibilité de reporter certains cours ratés à l’année suivante et d’éventuellement accumuler ces reports d’années en années, pour autant qu’ils aient réussi 45 crédits sur 60 (en première année en tout cas, les conditions se complexifient les années suivantes). Objectif : ne plus bloquer un étudiant dans une année pour un ou deux cours ratés et lui offrir plus de souplesse et de personnalisation de son programme. Dans la pratique, les universités déplorent des parcours très bigarrés, plus compliqués à encadrer et surtout un allongement des études. Comment réformer le système ? Valérie Glatigny et Pierre Wolper, recteur de l’ULiège en débattent dans CQFD.

Pour Pierre Wolper, le constat est clair après 5 ans de Décret Paysage : "On n’a pas amélioré les taux de réussite. Si on regarde combien d’étudiants sont diplômés après 3 ans, c’est même un petit peu moins qu’avant". Il souligne aussi les difficultés d’organisation pour les universités. Puisque chaque étudiant a un programme personnalisé, les horaires, la gestion des locaux deviennent un casse-tête.

Quelqu’un qui a 45 crédits n'a pas réussi son année. Il faut le dire beaucoup plus clairement aux étudiants. Réussir sa première, c'est 60 crédits

Et puis surtout, il déplore les conditions dans lesquelles les étudiants échouent désormais quand ils échouent. Avoir accès à certains cours alors qu’on n’a pas réussi les précédents brouille les cartes pour les étudiants. Cela peut leur donner une impression de réussite alors qu’ils traînent derrière eux des échecs. "Avant, on commençait l’université, on ratait la première, on ratait une deuxième fois, on pouvait se dire "OK, ça ne va pas j’abandonne". Aujourd’hui, on peut avoir 25 crédits la première année, puis 20 la deuxième, ça fait 45, ça va, on continue. Et puis après 3 ou 4 ans on s’aperçoit que ça ne va pas. Les cours qu’on a ratés, c’est rarement les plus faciles et les problèmes s’accumulent d’années en année. On finit par abandonner mais après un délai plus long".

 

Une réforme en profondeur et en 5 points

 

La Ministre de l’Enseignement supérieur partage le constat qu’il existe certains effets pervers : "une dilution de la notion de réussite, un allongement de la durée des études, des coûts plus importants et donc une précarité des étudiants. Je vais donc être très claire, nous allons évaluer le Décret et l’amender le plus rapidement possible. C’est un engagement". Pour quand ? La Ministre veut prendre le temps d’évaluer la situation et de travailler avec les acteurs de terrains : "Je m’inscris dans l’horizon de la rentrée académique 2021. Je ne veux pas m’enfermer dans un calendrier trop étroit mais il est évident que le travail d’évaluation a déjà commencé".

Pour ce faire, Valérie Glatigny met 5 pistes d’amélioration sur la table. D’abord préciser la notion de réussite : "Il faut sortir du "peut-être j’ai réussi, peut-être j’ai raté" et pouvoir dire "oui ou non j’ai réussi" en travaillant sur le nombre de crédits à valider. 45 c’est peut-être trop peu". Ensuite travailler sur l’information aux étudiants pour qu’ils puissent prendre la mesure des conséquences d’un report d’un examen à l’année suivante : "Ils doivent bien comprendre que s’ils reportent trop de crédits, ils peuvent arriver à une situation de 3eme année avec un sac à dos de crédits non-validés beaucoup trop lourd et un programme de cours ingérable".

La Ministre propose d’élargir les prérequis, la réussite de certains cours conditionnerait l’accès à d’autres cours : "Un étudiant en dentisterie qui serait amené à procéder à une extraction dentaire il doit avoir réussi son examen d’anesthésie". Elle souhaite aussi plus de cohérence du processus pédagogique pour redonner un sentiment d’appartenance à un groupe, une classe, une promotion aux étudiants qui aujourd’hui ont des parcours individualisés et peuvent se retrouver avec des camarades différents à chaque cours. Enfin, dernière proposition : une meilleure articulation entre le secondaire et le supérieur pour une meilleure préparation des élèves et une meilleure orientation.

 

Moins de liberté pour aménager son parcours

 

Le recteur de l’ULiège est d’accord sur la clarté du message à envoyer quant à la réussite ou l’échec : "Quelqu’un qui a 45 crédits a raté son année. Il faut le dire. Beaucoup plus clairement. Avant le message quand on ratait sa première c’était "j’ai raté, je recommence et j’essaye d’avancer sur les cours de deuxième année". Aujourd’hui le message est opposé, on dit "j’ai réussi mais je traîne des échecs de la première". Cette logique change l’état d’esprit. Et dès lors, réussir un des cours qui n’a pas encore été validé n’apparaît plus comme une prioritéCela doit redevenir prioritaire et si on doit reporter ce cours de deux ans alors il faut dire non et bloquer l’étudiant".

Peut-on progresser n’importe comment quand on n’a pas réussi un programme qui a une cohérence ? Il faut être plus contraignant

Pierre Wolper demande donc le retour à un système plus contraignant. Pas revenir à un système strict par année ni sur le système des crédits (qui date, lui, de la réforme de Bologne en 2004) "mais est-ce que, pour autant, on peut progresser n’importe comment quand on n’a pas réussi un programme qui a une logique et une cohérence ? La réponse doit être plus contraignante que maintenant. Et l’obligation d’avoir un programme de 60 crédits en prenant du retard dans certains cours fondamentaux doit être changée. Et c’est une adaptation qui n’est pas très compliquée à faire".

La Ministre Glatigny finit par rappeler le contexte budgétaire tendu de la Fédération-Wallonie-Bruxelles "Or, ici avec une série amendements, on voit qu’on peut raccourcir considérablement la durée des études". Une manière de faire des économies dans l’enseignement supérieur.